La santé et la sécurité au travail sont au cœur des préoccupations des organisations. Or, le cadre légal québécois n’avait pas connu de mise à jour majeure depuis plus de 40 ans. Adoptée en 2021, la Loi 27, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail vient transformer en profondeur les obligations des employeurs et les droits des travailleurs, avec une mise en œuvre progressive depuis 2022.
À compter du 1er octobre 2025, des dispositions permanentes clés entrent en vigueur, notamment un nouveau Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation en établissement. Cette réforme vise à mieux protéger les employés, à renforcer la prévention et à adapter les règles à la réalité du marché du travail. Mais concrètement, qu’est-ce que cela change pour les entreprises et les équipes RH?
Des mécanismes de prévention élargis
La Loi 27 étend l’obligation de mise en place de mécanismes de prévention à tous les secteurs, y compris ceux antérieurement exclus, comme les bureaux ou les services administratifs.
Toutes les organisations doivent désormais mettre en place des mesures structurées pour prévenir les accidents et les maladies professionnelles. Parmi ces mesures:
- Élaboration d’un programme de prévention intégré, couvrant les risques physiques, ergonomiques, chimiques, biologiques et psychosociaux, consigné par écrit et mis à jour régulièrement;
- Désignation d’un responsable de la santé et de la sécurité, selon la taille de l’entreprise;
- Participation active des travailleurs à l’identification et à la réduction des risques.
En somme, la loi élargit la culture de prévention à l’ensemble du tissu économique québécois.

Davantage de participation des travailleurs
La Loi 27 renforce également le rôle des travailleurs dans la gestion de la santé et de la sécurité. Depuis le 6 avril 2022, les obligations varient selon la taille de l’établissement:
- Entreprises de 19 travailleurs ou moins: obligation de désigner un agent de liaison en santé et en sécurité (ALSS);
- Entreprises de 20 travailleurs ou plus: obligation de former un comité de santé et de sécurité (CSS ou SST pour santé et sécurité au travail) paritaire, composé de représentants de l’employeur et des employés, et de nommer un représentant(e) en santé et en sécurité (RSS).
Le CSS a pour mandat de:
- Participer à l’identification et à l’analyse des risques;
- Faire des recommandations à l’employeur;
- Être un point de contact avec la CNESST si nécessaire.
L’objectif est clair: favoriser une démarche de collaboration et de dialogue, plutôt que d’imposer une vision descendante.
Une meilleure prise en compte des risques psychosociaux
La santé au travail ne se limite pas aux blessures physiques. À compter du 6 octobre 2025, les employeurs de 20 personnes ou plus devront intégrer formellement les risques psychosociaux (RPS) dans leur programme de prévention.
Les RPS incluent:
- La surcharge de travail;
- Le manque de reconnaissance;
- Le stress;
- Le harcèlement psychologique ou sexuel;
- La violence conjugale ou familiale;
- Le manque d’autonomie ou de soutien.

Les obligations spécifiques sont:
- Identifier, analyser et documenter les RPS;
- Mettre en place une politique de prévention du harcèlement (déjà en vigueur depuis septembre 2024);
- Former les gestionnaires et les employés à la prévention des RPS;
- Agir dès qu’un signalement est fait.
Une adaptation au télétravail et aux nouvelles réalités
La loi tient aussi compte des transformations du marché du travail, notamment l’adoption massive du télétravail. Bien que le mot « télétravail » ne soit pas explicitement mentionné, l’employeur doit inclure tous les lieux de travail, y compris à distance, dans son évaluation des risques.
Cela implique:
- D’identifier les risques liés à l’ergonomie, à l’isolement ou à la surcharge en télétravail;
- D’adapter les procédures de prévention et de communication;
- De former les gestionnaires à encadrer des équipes hybrides ou à distance.
Des responsabilités accrues pour les employeurs
La Loi 27 impose une obligation de résultat en matière de prévention. L’employeur doit:
- Maintenir son programme de prévention à jour (révision au moins tous les 3 ans);
- Former et informer les employés sur les risques liés à leur poste;
- Conserver des documents prouvant la conformité (ex.: procès-verbaux, évaluations des risques).

Quels bénéfices pour les entreprises?
Bien que la loi décrète de nouvelles obligations, elle représente aussi une occasion stratégique. Un milieu de travail sécuritaire et respectueux contribue à:
- Réduire les accidents et les arrêts de travail;
- Améliorer l’engagement et la rétention des employés;
- Renforcer l’image de marque de l’entreprise.
Des études montrent que les entreprises avec une bonne culture SST ont un taux d’absentéisme plus faible et une productivité accrue.
Une réforme qui représente une opportunité
La Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail marque une étape décisive dans l’évolution du cadre légal québécois. En mettant l’accent sur la prévention, la collaboration et la prise en compte des réalités contemporaines, elle oblige les entreprises à revoir leurs pratiques.
Pour les employeurs et les équipes RH, le défi est de transformer ces nouvelles obligations en leviers de mobilisation. Miser sur la prévention, la reconnaissance et un environnement de travail sain, c’est non seulement se conformer à la loi, mais surtout créer un milieu où les employés trouvent sens, sécurité et motivation.
Pascale Hubert
Rédactrice Web